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GOING HOME, m.e.s. Vincent Hennebicq

Du 23/01/2018 au 24/01/2018

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L’histoire commence à Hambourg. Dans un parc et sous la neige. Il y a là un homme noir égaré, avec 5000 euros à ses pieds. Le braquage a foiré, la police est venue l’arrêter. Tout le monde le regarde. Il se demande ce qu’il fait là. En quelques mots, le décor est planté : l’histoire de « Michalak l’éthiopien » s’offre à nous.

Celle d’un jeune homme adopté par une famille autrichienne embarqué dans une histoire chaotique de Salzbourg à Addis Abeba. Il a fui ce pays qui n’est pas le sien et rêve d’argent facile, de femmes et de soleil. Mais il va se heurter de plein fouet au système avec un grand «S» : l’administration, la police, la justice... Going Home nous raconte son combat solitaire, sa quête intérieure, son grand voyage « à l’envers ». C’est un spectacle à hauteur d’homme que le metteur en scène Vincent Hennebicq (Parasites et Heroes (Just for one day)) a choisi de porter en mêlant paroles et musiques, propos personnels et mises en abîme autour de sujets résolument d’actualité (les droits individuels, l’équité face à la justice, l’exil, l’occident comme eldorado...). Porté par l’acteur Dorcy Rugamba, Michalak n’est ni un conteur ni un poète. Il est entier, direct, sans fioritures. Et l’écriture de cette pièce est à son image : à la fois brute et dépouillée, musicale et authentique. On le suit dans les dédales de son existence. Avec ses espoirs et ses peurs, sa pudeur et ses colères, ses désillusions et ses rêves... Porté par les compositions originales de Vincent Cahay (piano et batterie) et François Sauveur (violon et guitare) et illustré par le travail vidéo d’Olivier Boonjing réalisé en Ethiopie, Going Home nous plonge, sons et images à l’appui, dans l’existence cabossée de Michalak : son enfance dans la campagne autrichienne, la dépression, l’alcool, son boulot dans un bordel, la prison, l’envie d’en finir... Avant de s’achever sur cette note d’espoir : un « Je suis heureux » jeté à la face de l’humanité comme un cri du cœur d’un homme qui, souligne le metteur en scène, « veut se battre contre la fatalité ». Un homme debout, un spectacle coup de poing.

 

"Je voulais raconter une histoire à hauteur d'homme" Rencontre avec le metteur en scène, Vincent Hennebicq

Comment est né Going Home? J’avais joué dans Tribuna(a)l de Jos Verbist et Raven Ruëll, un spectacle qui nous plonge dans les méandres de la justice ordinaire. Pour nourrir mon travail de comédien, j’ai assisté à de nombreux procès et j’ai été confronté de plein fouet à la réalité judiciaire. J’ai découvert une kyrielle d’histoires hallucinantes, notamment celle de Michalak racontée par un avocat. Elle me semblait tellement riche et singulière que j’ai voulu la raconter à ma manière.

De quoi parle cette histoire? C’est une histoire d’immigration à l’envers. Celle d’un homme qui veut quitter l’Europe par n’importe quel moyen plutôt que s’y intégrer. Par hasard, il se retrouve en Ethiopie. C’est là qu’il va vouloir faire sa vie, trouver une famille, investir un endroit où il se sent en accord avec lui-même. Mais il va être très vite rattrapé par le système. Lors d’un contrôle d’identité, son passé revient à la surface et il est renvoyé en Europe.

Un continent qui n’est pas forcément tendre avec cet Africain de souche. Effectivement. Il est confronté à une certaine Europe repliée sur elle-même, extrêmement raciste (notamment en Autriche où il grandit), qui peut être très dure avec ceux qui sont amenés à vivre dans la rue, seuls, sans soutien.

Ce spectacle s’intéresse aussi à ce qui fait notre identité. Oui, la question que je (me) pose c’est : où se trouve notre « chez nous »? Finalement, peu importe d’où vient Michalak, quelle est sa véritable nationalité. C’est d’abord et avant tout un homme.

Vous abordez aussi en creux les inégalités Nord-Sud. En effet. Lorsqu’il arrive en Ethiopie, il va travailler dans une plantation de café. Et là il se rend compte des différences abyssales entre le Nord et le Sud. Entre le prix d’un kilo de café éthiopien qui est un des meilleurs du monde et le prix d’une tasse de café vendue en Europe. De manière générale, l’Afrique n’a pas tant besoin d’aide, elle a surtout besoin de justice.

Un mot sur la forme : ce spectacle est multi-disciplinaire. Oui. Il y a d’un côté le récit porté par le comédien Dorcy Rugamba. De l’autre, nous avons la bande son originale jouée en direct par Vincent Cahay (piano et batterie) et François Sauveur (violon et guitare) avec une interaction entre le texte et la musique, un travail sur les rythmes et les silences.

Et puis, il y a les images en vidéo qui viennent compléter le tout. Des images tournées en Ethiopie ? Oui. Il s’agit de présenter une autre image de l’Ethiopie que celle que l’on a tous en tête: un pays très pauvre, frappé par la famine, etc. Je voulais sortir de l’image misérabiliste et montrer la grandeur de ce pays, sa culture ancestrale, ses paysages magnifiques, ses immenses plantations de café, ses forêts d’eucalyptus… Grâce à la vidéo, comme Michalak, on se plonge dans la découverte de ce pays plein de grandeur et de fierté.

Avec un comédien seul en scène chargé d’incarner l’histoire de Michalak. Effectivement. Il nous raconte cette histoire à la première personne, face au public, sans effets de distanciation théâtrale. Tout ça est mis en forme et en musique. Mais tout part de la présence du comédien sur scène. Ce qui compte pour moi, c’est d’évoquer une histoire vraie, qui a existé. Si celle-ci permet en plus de dénoncer un système, tant mieux. Je perçois ce spectacle comme un «biopic» : le parcours intime d’un homme qui, au bout du compte, pourrait être celle de tous les hommes. Une trajectoire intime et universelle.

Le spectacle s’achève sur une note d’espoir. Oui, ça finit plutôt bien. Je voulais présenter une justice qui peut aussi faire preuve d’humanité. Le juge est à la fois du côté de la loi, mais il fait aussi preuve de compréhension à l’égard de cet homme. On n’est pas dans la condamnation brute, sans âme.

C’est la question de la Justice au sens du respect du droit et de l’équité est au cœur de votre propos. Oui, clairement. Tout au long de sa vie, Michalak va être confronté à l’injustice. Cet homme n’est évidemment pas un saint. Il a braqué à deux reprises une banque, il a eu une jeunesse chaotique, mais il va être sans cesse confronté à de petites ou grandes histoires d’injustice. En même temps, ce type voudrait tout simplement trouver sa place dans ce monde impitoyable, un foyer qui va l’accueillir. Il a peu de culture. Il est complètement décalé et fort démuni. Il pense plutôt avec ses mains qu’avec sa tête. Et c’est cette confrontation entre un homme dont on ignore tout ou presque de son passé et la réalité du monde qui est intéressante. Peu importe d’où il vient, ce qui compte c’est ce qu’il incarne.