LE NOUVEAU MONDE, de Gilles Cailleau

Le 13/04/2018 à 20:30

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  • Complexe Saint-Exupéry

Une traversée circassienne et philosophique du chaos du XXIe siècle. Un voyage d’une fraîcheur et d’une poésie insoupçonnées. Percutant.

Avec son corps d’acrobate et son regard d’enfant, Gilles Cailleau propose un voyage singulier à travers notre époque. Il livre ses inquiétudes face à une planète qui suffoque sous la folie des hommes. Le comédien joue les équilibristes, fait voler des avions en papier, lance des couteaux sur des poupées de chiffon, se coupe en deux avec une scie musicale, recrée la mer avec une mince planche en bois...
Ces images toutes simples, presque naïves, brillantes d’intelligence et de sensibilité, amènent une merveilleuse approche clownesque et philosophique des événements qui façonnent le XXIe siècle. Seul en scène, l’artiste crée avec son public une communauté éphémère. Au cours de cette étonnante odyssée, on se laisse aller à rêver d’un continent qui ne serait pas encore découvert, d’un nouveau monde ! 

                   

                             Entretien avec Gilles Cailleau Propos recueillis par Caroline Audibert


“LA SEULE MANIÈRE POUR QUE LE MONDE AILLE MIEUX, C’EST DE TOUS S’Y METTRE...”


 

Votre spectacle porte sur les maux du siècle. Est-ce un exutoire ?

C’est le regard d’un humain moyen qui ne comprend pas le monde, qui n’aime pas que les gens se fassent refouler aux frontières, qu’une moitié du monde se déteste, qui n’aime pas les murs ni les gens qui meurent au milieu de la mer… Ces choses-là, d’habitude, restent dans le non-dit, le déni. Ce spectacle est fait pour se débarrasser des cauchemars. C’est très étonnant pour moi d’avoir fait ça. Quand j’ai conçu le spectacle, je ne savais pas où ça allait me porter.
 

Sur scène, pourtant, vous êtes seul à affronter ce XXIe siècle…

Je suis seul sur scène, mais je ne joue pas tout seul du tout ! Je joue parmi les gens et non devant les gens. J’ai l’impression que je suis eux. J’ai d’ailleurs intégré les spectateurs dès le début des répétitions, j’ai construit la trame au fil d’ateliers ouverts. Je ne voulais pas que la fin soit écrite par une seule personne. Car la seule manière pour que le monde aille mieux, c’est de tous s’y mettre, de ne pas abandonner à certains l’écriture de l’avenir. J’ai donc écrit le spectacle avec cette communauté éphémère qui s’est fabriquée tout au long des répétitions. J’ai construit une sorte d’arche de Noé des paroles humaines.
 

Votre langage, ce sont les mots, mais surtout les gestes, le théâtre d’objet…

Il y a un récit, celui d’une épopée du XXIe siècle, la poésie qui se raréfie petit à petit et la parole de Gilles, moi-même, moins écrite, qui échange avec le public. Et puis il y a le langage du corps, ce bras armé de l’âme. Parfois il déborde, d’autres fois il me rattrape, d’autres fois encore il m’emmène dans le déséquilibre. C’est un vrai corps d’enfant, qui fabrique, qui détruit, qui s’adapte à une sorte de tempête sous un crâne.
 

Et quelle est la plus grosse tempête, ce qui était le plus impérieux à mettre en avant à vos yeux ?

L’image la plus forte du spectacle est celle des deux tours jumelles fabriquées avec du verre et du carton que je fais exploser. Mais pour moi, la chose la plus importante qui a eu lieu ces dernières décennies, c’est plutôt la défaite de la pensée. C’est moins scénographique... Je n’ai pas forcément choisi les thèmes de manière intellectuelle, j’ai suivi mes intuitions, le hasard des rencontres, comme ces marionnettes trouvées dans un vide-grenier qui racontent la tragédie de Lampedusa…
 

Y a-t-il une lumière au bout du tunnel ? Est-ce le lien que vous parvenez à recréer entre les gens ?

C’est exactement ça. Le début est assez noir, chaotique. Et puis ça évolue vers quelque chose de plus lumineux. Mais je ne suis pas un joueur de flûte de Hamelin ! Je n’emmène personne vers un optimisme radieux. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’on fait ensemble après avoir traversé tout ça. Petit à petit, les gens expriment leurs peurs, disent ce qu’ils espèrent, ce qu’ils croient vraiment. Petit à petit, ensemble, on arrive à se faire du bien. C’est cette connexion entre les gens qui est importante, surtout dans notre siècle des solitudes où on a très vite le sentiment d’être à la marge, de louper une discussion WhatsApp, de vivre au bord de là où ça se passe… Dans ce petit théâtre, on se retrouve au centre du monde parce qu’on construit quelque chose qui n’est pas dicté par les autres.

Complexe Saint-Exupéry