CENTAURES, QUAND NOUS ETIONS ENFANTS, Théâtre du Centaure

Du 07/12/2017 au 08/12/2017 à 20:30

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  • Complexe Saint-Exupéry

Théâtre & art équestre

« Centaures, quand nous étions enfants » raconte l’histoire véritable de Camille et Manolo, fondateurs du Théâtre du Centaure, compagnie de théâtre équestre établie à Marseille. Une histoire exceptionnelle racontée et mise en scène avec des moyens littéraires et techniques hors du commun : deux destins tissés à plusieurs voix, sur projections de vidéos, avec montages d’archives, photographies, parce qu’une vie n’est pas un parcours linéaire de A à Z, mais un faisceau d’événements hasardeux, de rencontres, de projets, mêlant le réel et l’imaginaire, où l’utopie, d’ordinaire cantonnée au monde des seules idées, prend vie parfois de façon improbable, et c’est le cas pour Camille et Manolo qui, rêvant d’être « artistes dans un château avec des chevaux » finissent par ne faire qu’un avec leurs montures, Gaïa et Indra, restaurant l’image mythique d’un être double, hybride, à la ville comme sur la scène. Sur le plateau d’Am Stram Gram, une apparition. Deux Centaures : Camille-Gaïa et Manolo-Indra, deux créatures de théâtre, captées dans une proximité rare, pour habiter le texte écrit sur mesure par Fabrice Melquiot. Car Indra et Gaïa, leurs chevaux, sont devenus leur moitié manquante, pas seulement le père ou la mère qui ne sont plus, pas non plus seulement l’enfant qui parle aux animaux comme dans les contes, mais la part mystérieuse, archaïque de l’animal qui sommeille en chaque être humain depuis la nuit des temps. Leur amour ressuscite le temps des créatures à la fois humaines et animales. Ils sont Centaures : Camille Gaïa, Manolo Indra, 1+1=1.

 

Historique

Le Théâtre du Centaure, c’est exactement ce que Michel Foucault appelle une « hétérotopie », le lieu physique réel de réalisation d’une utopie. Un espace concret qui héberge l’imaginaire comme une cabane d’enfant, un espace à la fois mythique et réel. Concrètement, le Théâtre du Centaure c’est une famille d’une dizaine d’équidés et d’humains qui ont construit ensemble un mode de vie et de création spécifique. Village, écuries, lieu de travail et de fabrique, où dix personnes et dix chevaux oeuvrent tous les jours à la réalisation d’une utopie. Évidemment le Centaure n’existe pas. C’est l’utopie d’une relation, d’une symbiose pour n’être qu’un à deux. « Parce qu’il est impossible, parce que c’est une utopie, le Centaure est pour nous une forme d’engagement. Un engagement qui nous pousse à inventer un théâtre qui n’existe pas, des formes différentes, un langage autre ». Les créations de la compagnie s’apparentent tantôt au théâtre (Les Bonnes 1998), tantôt au nouveau cirque (Macbeth 2001) ou aux arts visuels et à la danse (Cargo 2004, Flux 2009). A chaque fois, cette créature hybride bouscule les codes et impose de nouveaux langages, de nouveaux surgissements dans le monde réel. Les Centaures parcourent le monde avec leurs spectacles. Ces voyages sont l’occasion de réaliser des films d’art, à Berlin, Rotterdam, Istanbul... Fondé, en 1989, le Théâtre du Centaure est implanté à Marseille depuis 1995. La compagnie est dirigée par Camille & Manolo.

 

Manifeste 1+1=1

« Le Centaure est un aveu : celui de notre incomplétude. C’est aussi un cri d’alliance : quand tu regardes un centaure, tu vois une relation. Je ne serai entier qu’en étant toi : le centaure est une promesse. Je rêve d’un galop pour ma moitié humaine, je rêve d’une parole pour ma moitié animale : le centaure espère l’impossible, de toutes ses forces rassemblées; il interroge l’animal humain, déplaçant les frontières de soi aux frontières de l’autre : le centaure est un franchissement. Le centaure est de ces rêves qu’on ne réalise qu’en rêve : d’un être fabuleux, nous avons fait une utopie, notre espace quotidien et un recueil de poèmes disant notre rapport au monde, et le rapport du monde à ses propres rêves, son besoin d’autre et sa quête d’ailleurs. C’est à l’intérieur de chacun que le centaure s’élance, là où les secrets ont leur sauvagerie, l’inconscient son étrangeté, là où l’avenir s’arpente à plusieurs. Nous avons préféré ce corps qui n’existe pas, plutôt qu’un corps qui existe à moitié. »

 

Le projet artistique : Fabrice Melquiot, auteur, metteur en scène

« Toute l’enfance tient dans un cheval de bois. Et nos rêves s’y balancent encore. Parler centaure, c’est parler de l’enfance de chacun, l’enfance ancestrale, l’enfance qu’on dépose dans l’âme des jouets ou celle des animaux. J’ai toujours perçu Camille et Manolo comme une princesse et un prince des temps modernes, qui auraient préféré devenir écuyers pour mieux choisir leur royaume. Une princesse et son prince, dans un royaume de paille et de bois. Je crois que leur histoire, c’est l’histoire d’un amour qui a commencé bien avant l’amour. J’aimerais raconter l’histoire véritable de Camille et Manolo, fondateurs du Théâtre du Centaure. Quels enfants étaient-ils ? Quels adolescents ? Comment se sont-ils rencontrés ? Comment ont-ils, au fil des années, imaginé et bâti ensemble ce lieu utopique en plein coeur de Marseille ? Comment s’aimer, quand on a choisi la vie avec les bêtes ? Comment s’aimer quand la vie avec les bêtes réclame tant de disponibilité et de rigueur ? Comment s’aimer quand on ne considère plus les bêtes comme des bêtes, mais comme des amies, des parents, des morceaux de soi ? Raconter leur histoire, c’est aussi questionner nos propres convictions. Ce en quoi l’on est encore prêt à croire. Comme eux croient effrontément, poétiquement, passionnément, qu’ils ne sont que moitiés d’êtres tant qu’ils ne composent pas, fondus dans leur moitié animale, ce dessin de créature mythologique parmi les plus fascinantes.

Il y aura donc deux Centaures sur le plateau : Camille Gaïa et Manolo Indra. Il y aura Alma, fille de Centaures.

Il y aura un texte basé sur le pacte autobiographique et ancré au coeur du réel contemporain.

Il y aura deux chansons. Une balade médiévale transformée en tube eighties et une berceuse rock.

Il y aura les images de Martin Dutasta pour donner à voir autrement cette histoire : photographies documentaires ou archives revisitées, elles hanteront la mémoire, les boxes, le manège, les roulottes, les camions, la scène, les coulisses, les corps, les visages.

Il y aura les musiques et les sons de Nicolas Lespagnol-Rizzi, qui accompagne Camille et Manolo depuis des années.

Ensemble, nous irons de notre pas le moins sûr vers cette terre d’enfance où les mythes entrent en nous comme des instincts, des pulsions de vie. »

 

ANNEXE : L’ANIMAL ET LE THÉÂTRE (Sources : thèse de E. Jolivet  - La place de l’animal au théâtre)

La question de la place de l’animal dans nos sociétés humaines est d’une grande actualité. Elle se pose dans la vie quotidienne et dans le monde du spectacle : parcs zoologiques, cinéma, théâtre… La sensibilité du public a changé au fil du temps et les découvertes sur la sensibilité et l’intelligence animales remettent en cause certaines pratiques. Les auteurs insèrent dans leurs pièces des animaux pour éveiller notre bienveillance ou notre réprobation par le rire, la peur, nous ramener à la nostalgie de l’enfance, nous faire réfléchir et rêver. La présence d’un animal véritable sur un plateau de théâtre apporte une charge émotionnelle forte et du panache à la mise en scène. Elle suscite émerveillement, curiosité, chez le spectateur. Pour l’enfant, c’est un retour au monde enchanté où les hommes et les animaux vivaient en symbiose. Les animaux, autrefois figurants et aussi peu considérés qu’un quelconque objet, ont démontré qu’ils sont capables d’endosser des rôles à la perfection. Cependant, il y a des limites à leur introduction sur une scène :

- Leur prestation est toujours aléatoire et coûteuse.

- L’animal est désormais considéré un être vivant à part entière. Il faut inventer une relation nouvelle avec lui, qui respecte pleinement sa nature autre qu’humaine.

          A. LES FORMES DE LA PRÉSENCE ANIMALE AU THÉATRE

• L’ILLUSION MATERIELLE DE LA PRÉSENCE ANIMALE

- Elle peut venir d’ornements sonores : enregistrements de cris, bruits divers, imitations.

- D’ornements visuels symboliques : Déjà dans l’Antiquité, les animaux des chœurs d’Aristophane (Les Oiseaux, les Guêpes, les Grenouilles) étaient représentés par des masques et autres éléments de costumes, caricaturaux ou réalistes, suggérant les traits caractéristiques de l’animal. - Les animaux étaient figurés par des marionnettes, des automates en particulier au XVIIIème siècle.

• L’HOMME INTERPRÉTANT L’ANIMAL

Dans de nombreuses pièces, les animaux sont des personnages de théâtre à part entière ; la parole leur est souvent donnée. Ils ne peuvent être joués que par des comédiens mimant des traits de caractère et de comportement qui sont en fait ceux des êtres humains. Cette manière de traiter l’animal comme prétexte, de ne voir en lui que les pulsions et les fantasmes de l’humanité s’appelle anthropomorphisme. Au contraire, il peut s’agir de révéler notre animalité, et de susciter une réflexion sur les liens positifs ou négatifs unissant l’homme et l’animal. Le masque, le costume, le jeu corporel, ne sont plus des accessoires du merveilleux. Ils modifient physiquement et psychiquement le comédien, comme le personnage mi- animal, mi-homme. On pense au Rhinocéros de Ionesco.

• L’UTILISATION D’ANIMAUX VIVANTS : les équidés (equus : le cheval)

Les équidés tiennent une place prépondérante dans l’histoire du théâtre. Leur présence sur scène est particulièrement impressionnante et reflète leur place essentielle dans la société. En effet, jusqu’à l’apparition de l’automobile, l’homme était toujours accompagné d’ânes ou de chevaux. Petit à petit, les spectacles équestres de plein air s’introduisirent dans les théâtres. A l’opéra de Naples, les chevaux fournis par les écuries du Roi tenaient un rôle important dans les grandes pièces à spectacles pleines de cavalcades et de combats qui s’y donnaient fréquemment. En France, au XIX siècle, les vrais chevaux entrent au répertoire du Cirque Olympique des frères Fanconi, pantomimes équestres et véritables pièces historiques. Wagner met déjà en scène de vrais chevaux dans le Crépuscule des Dieux et dans la Walkyrie

          B. LES LIMITES DE LA PRÉSENCE D’UN ANIMAL SUR SCÈNE

• UNE COHABITATION DIFFICILE ENTRE ARTISTES ET ANIMAUX

- Bien que dressés, les animaux se révèlent imprévisibles, malpropres. Seuls ceux dont on peut contrôler précisément les actions, par un dressage minutieux ou par l’utilisation de barrières, et ceux placés dans des situations simplement décoratives, peuvent être facilement mis en scène. Malgré ces précautions, on n’est pas à l’abri de soucis divers lors de représentations. Au théâtre Am Stram Gram, on a vu un hibou prendre son vol en pleine représentation ! (Le hibou, le vent, et nous). - Dans l’histoire du théâtre, acteurs, metteurs en scène et parfois même public peuvent rencontrer des difficultés à cohabiter au théâtre avec des animaux qu’ils connaissent mal, qu’ils ne savent pas appré- hender.

- La présence d’un animal sur un plateau monopolise immédiatement et durablement l’attention du public au détriment des personnages ordinaires. Dans la mise en scène par Matthias Langhoff d’Œdipe roi, la truie initialement engagée faisait un tel raffut sur scène qu’elle volait parfois la vedette aux acteurs. Un metteur en scène doit tenir compte de ce pouvoir d’attraction.

• LA RENCONTRE ENTRE LE RÉEL ET LE FICTIF, POUR OU CONTRE ?

Contre : Selon certains metteurs en scène, le théâtre ne doit pas faire le jeu du réalisme mais laisser la part belle à l’imagination. Lorsqu’on introduit une part de réalité comme un animal réel dans une pièce qui est par essence une fiction, on brise l’équilibre qui permet au spectateur d’accepter les conventions du théâtre.

Pour : L’animal en chair et en os apporte d’une part un certain réalisme à la pièce mais surtout il constitue un formidable partenaire de scène. Il casse les codes. L’acteur doit savoir composer, improviser en fonction de l’animal, voire dépasser les intentions du metteur en scène ; C’est le propre de l’art vivant.

• LA QUESTION DE LA MALTRAITANCE ANIMALE

Le personnage de Don Quichotte créé par Cervantès est indissociable de sa monture Rossinante. Selon les époques, ce cheval n’est pas traité sur scène de la même façon. Lors d’une adaptation au Ballet-Pantomime en 1841, c’est un animal en bonne santé, marqué au charbon pour simuler les côtes saillantes. Deux ans plus tard, le Cirque Olympique adapte à son tour Don Quichotte mais cette fois la mise en scène est terrifiante, sous prétexte de réalisme. On peut élargir la question à tous les spectacles incluant des animaux : parcs d’attraction, cirque… etc. « Pour représenter Rossinante, il fallait un cheval décharné, fourbu [...] pour produire un effet plus certain, on avait soumis l’acteur quadrupède à un régime d’entraînement excessif ; on le faisait suer dans les ouvertures, on lui faisait prendre des boissons échauffantes, on le privait de sommeil, on réduisait sa nourriture au plus strict nécessaire [...] c’était le plus joli morceau d’anatomie qu’on pût voir, une merveille de diaphanéité. [...] il était tout juste assez vivant pour n’être pas mort. [...] Le garçon d’écurie, chargé de donner au pauvre animal sa maigre pitance, s’avisa, par excès de zèle pour la réussite de l’ouvrage, de retirer un grain d’avoine de la ration ordinaire. La balance entre la vie et la mort fut rompue par l’absence de ce seul grain, et Rossinante expira mélancoliquement au milieu d’une répétition. »

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