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BRAISES de Catherine Verlaguet, m.e.s. Philippe Boronad

Le 01/03/2016 à 20:30

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Au coeur d’une famille attachée au respect des traditions, Braises expose les bouleversements nés de l’éveil amoureux qui embrase l’adolescence. La puberté initie une mutation profonde et parfois meurtrière qui pousse les adolescents à fuir le carcan familial.
L’essor de la personnalité, le joug des premières pulsions sexuelles et le sentiment d’insécurité qui en résulte les coupent du monde.
L’incompréhension et l’isolement nourrissent leur désir d’émancipation.
Deux soeurs, Leila et Neïma, sont confrontées au poids de la filiation et au respect du mode de vie incarné par leurs parents, appartenant à la première génération d’immigrants. Emportées par les premiers émois amoureux, elles nous tendent en
miroir leur quête libertaire de femmes en devenir. Tantôt basculant de la naïveté à la gravité, tantôt chavirant du rire aux larmes, Braises,nous livre leur histoire, à la fois publique et privée, profondément humaine et terriblement sociétale.

En cette période où les notions de genre font l’objet de débats houleux, artefact revient à cette mission première du théâtre : permettre, à travers la fiction, de s’identifier aux autres pour s’interroger soi-même.
Pour cette nouvelle création, la compagnie poursuit son exploration d’un langage scénique pluridisciplinaire, fortement inscrit dans
l’utilisation des nouvelles technologies.
Sensible, inventive et épurée, la mise en scène signe un spectacle extraordinairement visuel. Associée à une composition musicale
originale, la création vidéo réinvente et habite l’espace.
Portée par des comédiennes de talent, Braises compose un théâtre capteur de notre époque qui tisse des fragments de vie dans un flux qui est celui même du temps.

 

NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE

Ce qui fait oeuvre, c’est ce qui fait lien.
À l’origine de ce projet, il y a notre propre effroi. Notre devoir d’alerte. Notre sentiment d’urgence. Notre constante interrogation sur notre rôle et nos responsabilités, en tant qu’artistes, au sein de la société. Notre conviction de l’intense nécessité à rester vigilant, à soulever des questionnements, à susciter des réactions. À rencontrer les hommes. À tisser ou retisser du lien. À rompre l’enfermement. Parce que nous croyons que ce qui fait oeuvre, c’est ce qui fait lien.
Montée de l’extrême droite, intégrisme religieux, xénophobie, racisme, homophobie, haines, désolidarisation...
La crise véhicule des peurs ataviques. Des peurs à l’origine d’enfermements divers.
La peur, le repli sur soi, l’isolement rompent les liens humains, sociétaux, familiaux, territoriaux. L’exploration menée a vocation à renouer le lien profond entre les êtres, quelque soit leur appartenance. Et pour ce, elle se doit d’inventer de nouvelles voies : être foncièrement participative, immersive, fédératrice, généreuse.

Dans le contexte actuel de crise économique et sociétale, face à la manifestation inquiétante de montées de mouvements extrémistes, la tentation du repli sur soi et le retour à des pulsions primaires - instinct de survie, crise identitaire, individualisme, peur, haine, hostilité face à l’altérité, rejet des autres groupes d’appartenance ethniques ou sociologiques, homophobie, xénophobie, territorialité, etc. - artefact a décidé de dédier son nouveau cycle de recherche à une réflexion sociale et politique menée autour de la notion d’enfermement (socio-culturel, politique, intellectuel, psychologique, physique...).
Braises constitue le premier volet de ce triptyque consacré à l’enfermement.
En cette période de décomplexion de l’extrême droite et de forts replis culturels des quartiers, Braises soulève les notions d’appartenance et d’identité nationale qui font aujourd’hui l’objet de débats houleux.

Philippe Boronad

 

LE SUJET

Je suis d’avis que le théâtre a pour mission de provoquer le dialogue. Que la fiction permet de s’identifier aux autres, pour s’interroger sur soi-même. Braises traite d’un sujet brûlant parce que d’actualité. Le repli culturel que l’on observe dans certains quartiers soulève des débats houleux sur ce qu’est l’identité nationale.
Je considère que c’est aussi à nous, artistes, de prendre la parole pour la donner. À nous de construire des ponts, de faire entendre des voix que l’on tait trop souvent par peur de s’y confronter.

Catherine Verlaguet

Braises traite de problématiques propres à une culture qui n’est pas précisément la mienne. Personne sans doute ne peut rester indifférent à l’accumulation de faits divers stigmatisés par les média et qui dénoncent la perte des libertés individuelles fondamentales : le droit de disposer de soi, de sa vie, de son propre corps et les violences répétées contre les femmes de certaines communautés.
Reste la question de la légitimité. Dans quelle mesure pouvons-nous, en tant qu’artistes, nous emparer d’une histoire qui n’est pas la nôtre, passant de simple observateur à la production d’un geste artistique ? Plus précisément, ce geste artistique est-il en soi légitime quand il s’agit de s’emparer de sujets graves qui concernent des communautés socio-culturelles que nous ne connaissons pas de l’intérieur ? En ce qui me concerne, je suis issu d’une culture méditerranéenne. Sur une seule génération, ma famille a été
confrontée à plusieurs vagues d’immigrations successives, du fait de nécessités historiques (Espagne, Italie, Algérie, France). J’ai grandi avec les mots et les valeurs familiales que l’on découvre dans Braises, et je suis bien certain que si des artistes - parfois totalement illégitimes du point de vue de leur histoire personnelle - ne s’étaient pas emparés des thématiques propres à ma propre mythologie familiale (Le Franquisme, la Guerre d’Algérie...), je n’aurais jamais pu trouver la distance indispensable à une prise de conscience libératoire.

Philippe Boronad

 

LA MISE EN SCÈNE

1 LA DRAMATURGIE
Dramaturgie déconstruite - Diffraction de l’espace-temps.
La pièce présente une dramaturgie déconstruite. La temporalité y est éclatée : passé et présent s’entremêlent et se croisent jusqu’à se fondre.
Les vivants et les fantômes se parlent dans un espace-temps entrouvert comme une porte battante.
L’unité de temps du théâtre rassemble ici à la fois le temps réel - objectif - et le temps passé - subjectif - au travers du travail de mémoire.
À trois - les deux soeurs et leur mère - les femmes reconstituent le puzzle du passé. Il le faut si Leila veut trouver la paix, à l’aube de son mariage.
Alternant jeu et récit, les trois femmes nous entraînent dans leur secret de famille. Entre refoulement, honte et culpabilité, Leila est en butte à ses propres fantômes. Mais peu à peu, les révélations surgissent.
À travers l’oeuvre libératoire de la parole, l’histoire lentement se reconstruit.

2 LA SCÉNOGRAPHIE
Quand nous voyons une image colorée, nous y voyons tout le spectre de la lumière diffractée. Nous voyons de même dans l’instant le spectre du temps diffracté, chargé, ici et maintenant, de ses déterminations passées et de ses virtualités futures.
Jean-Pierre Dépetris

3 LA MISE EN SCÈNE ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les nouvelles technologies constituent pour nous des organes scéniques contemporains, aussi évidents que la lumière ou le son. Ces outils seront donc naturellement intégrés à nos laboratoires de recherche et aux phases d’exploration au plateau, puisque notre démarche partira de ce compagnonnage avec un auteur vivant, autour d’un plateau de théâtre, intégrant collectivement à notre processus de recherche, une équipe pluridisciplinaire.
Les nouvelles technologies rendent compte d’un monde complexe où coexistent plusieurs niveaux de réalité. Le son et l’image, traités en direct, permettent de travailler sur des hors-champs, des espaces-temps différents, des mondes parallèles, des antériorités ou des prolongements à l’action réalisée au plateau.
Réel et virtuel se confrontent dans un processus perpétuel de détournement des codes.
Le son sera traité par un système immersif multi-points. Il sera travaillé en nappe sonore, de deux façons :
- En signifiant ou connotant des éléments de lieux et de temps (sons de la cité, du Maghreb, de la ville, etc.)
- En revêtant une valeur narrative, notamment par un travail de superposition des couches sonores.
Il sera notamment un vecteur signifiant des métissages culturels et identitaires.